A la fin des années 30, le film de gangsters renait et
s’ouvre à des variations comiques dont les plus célèbres sont peut-être The Amazing Doctor Clitterhouse et son
cousin A Slight Case of Murder, deux
productions Warner avec en vedette Edward G. Robinson. Parmi les autres films
de cette veine réjouissante, citons Little
Giant (1933, Roy del Ruth) et Larceny
Inc. (1942, Lloyd Bacon).
A Slight Case of
Murder adapte une pièce de Howard Lindsay et Damon Runyon[1], un
auteur si célèbre qu’un adjectif a été créé, « runyonesque » qui
renvoie au monde de Broadway, fourmillant d’escrocs et de gangsters, dépeint
par Runyon.[2] Le film débute avec la fin
de la Prohibition : Remy Marko, le roi de la bière, décide alors de se
lancer dans le commerce légal d’alcool. Finis les costumes à rayures, finies
les fusillades et les bagarres ! Mais un parrain puissant ne fait pas
nécessairement un bon gestionnaire et Marko frôle vite la banqueroute et doit
trouver au plus vite des fonds pour contenter ses créanciers. Le temps d’un
week-end à la campagne, le sort de son entreprise va se jouer.
A Slight Case of
Murder, comme The
Amazing Doctor Clitterhouse, prend les atours d’une fantaisie : ici, il
n’y a pas d’amants dans les placards mais des cadavres et les filles ne veulent
pas présenter leurs fiancés à leur père non pas parce qu’ils sont des vauriens mais
parce qu’ils sont policiers ! Mais A
Slight Case of Murder n’est pas une simple pièce de boulevard : derrière
le rire, le film livre un commentaire très critique sur la société américaine
de son époque. Slight Case of Murder s’intéresse
au parallèle entre capitalisme et gangstérisme, un rapprochement souvent fait
par les exégètes de gauche.[3]
Le film se plait à souligner le choc des classes
sociales. D’un côté, il montre les prétentions de respectabilités de Marko et
de son épouse qui veulent « être de la haute », se donnent des airs
raffinés alors même qu’ils jurent à toutes les phrases et que leurs intérieurs
sont décorés comme des appartements de nouveaux riches. De l’autre, A Slight Case of Murder moque également
la bonne société américaine, étouffant dans le snobisme, incarnée par la future
belle-famille de Robinson. Mais surtout, les vrais vilains sont les banquiers
qui cherchent à tout prix à mettre la main sur l’entreprise de Marko et de ses
gangsters plus bêtes que méchants.
A Slight Case of
Murder dit donc que la mobilité sociale n’est qu’une illusion
et que l’argent ne garantit pas une place au sommet de la société américaine. La
satire, féroce, trouve de précieux alliés dans des acteurs tous excellents,
emmenés par un Edward G. Robinson très à l’aise dans une parodie de son
personnage du Petit César. Autour de
lui, les seconds rôles suscitent l’hilarité, notamment Allen Jenkins, Edward
Brophy et Harold Huber, sans oublier Bobby Jordan, un des Dead End Kids[4],
en délinquant juvénile casse-pied. Avec ses truands embourgeoisés qui ne font
pas illusion dans le salon et, réunis dans la cuisine, se laissent aller à la
nostalgie du « milieu », le délectable A Slight Case of Murder donne parfois l’impression d’être dans une
version américaine des Tontons flingueurs.
05.03.12
[1] Il semblerait toutefois que la
pièce ait été un échec.
[2]
Parmi les autres films tires de l’oeuvre de Damon Runyon, citons Lady for a Day (1933, Frank Capra), Little Miss Marker (1934, Alexander
Hall), Guys and Dolls (1955, Joseph
L. Mankiewicz), Pockeful of Miracles
(1961, Frank Capra).
[3]
Prenons pour exemple Success At Any Price
(1934) de J. Walter Ruben. Dans
ce film tiré d’une pièce de John Howard Lawson, le personnage principal
choisissait de faire carrière dans la publicité et non dans le trafic d’alcool
comme son frère : il y gagnerait plus d’argent et y préserverait sa vie…
[4]
Et un futur East Side Kid et Bowery Boy.
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