Le cinéma
populaire allemand des années 60 est marqué par la production de séries : les
Winnetou, les Jerry Cotton, les Kommissar X ou les ‘Krimi’ remplissaient les
salles Outre-Rhin. La série inspirée d’Edgar Wallace compte une trentaine de
films produits par Rialto Films entre 1959 et 1972.[1]
Le succès de ces films entraina même le développement d’une concurrence à
travers les productions d’Artur Brauner, qui relança le docteur Mabuse.
Le Requin harponne Scotland Yard semble un exemple archétypal de
‘Krimi’ et le genre est reconnaissable dès les premières minutes : sur
fond de musique jazzy envoûtante, un meurtre a lieu avant le générique, précédé
de l’annonce, par une voix d’outre-tombe : « Hallo, hier spricht
Edgar Wallace ». L’enquête est confiée à l’inspecteur Wade, de Scotland
Yard, qui voit dans l’assassinat la marque d’un mystérieux génie criminel, le
Requin. A vrai dire, cet improbable homme-grenouille fait plus rigoler que
frissonner et, très vite, le spectateur en oublie même quelles sont les raisons
des crimes du Requin. De toute façon, tout cela n’est pas très sérieux et les
acteurs sur-jouent volontiers.
Flirtant
volontiers avec le comique, Alfred Vohrer, un des grands artisans germanique de
l’époque avec Harald Reinl, crée toutefois par le jeu des cadrages et des
éclairages une atmosphère inquiétante, dans laquelle s’inscrit à merveille
Klaus Kinski, dans un rôle secondaire. Alors même qu’il a été de toute évidence
tourné en Allemagne, le film essaie mollement de faire croire qu’il se déroule dans
une Angleterre mythique, intemporelle, celle des courses d’aviron et des quais
embrumés de Whitechapel.[2]
Pourtant, le cabaret, au centre du film, rappelle plus L’Opéra de Quat’ Sous ou L’Ange
Bleu que Sherlock Holmes…
Evidemment, il
est intéressant de s’interroger sur ce que ce spectacle familial, divertissant
et sympathique, révèle sur l’Allemagne des années 60. Le Requin harponne Scotland Yard s’inscrit dans une filiation du
sérial à la Mabuse,
sauf que le film n’est pas, comme celui de Lang, le reflet de la société dans
lequel il a été produit. Au contraire, le ‘Krimi’, comme la plupart des
séries-phares d’après-guerre, définit l’Allemagne en creux, par défaut et
trahit le malaise d’être allemand, le désir d’être autre.
09.03.12
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