jeudi 17 mai 2012

*** Adéla ještě nevečeřela / Adèle n’a pas encore diné (1977) de Oldrich Lipsky


Si je n’étais pas rentré un soir dans un certain bar praguois, je n’aurais pas fait une des rencontres cinématographiques les plus étonnantes qu’il m’ait été donné de vivre. En effet, passait à la télévision de ce débit de boisson l’étrange Adèle n’a pas encore diné dont les images m’ont aussitôt ravi. Les œuvres du cinéaste tchèque Oldrich Lipsky sont presque totalement inconnues en dehors de son pays, si l’on excepte Limonade Joe (1964) qui a connu une certaine distribution internationale, et Adèle n’a pas encore diné serait un de ses meilleurs films.

Adèle n’a pas encore diné s’aventure aux frontières du policier et du fantastique. Dans le Prague du début du XXème siècle, Lipsky  met en scène les aventures du héros populaire Nick Carter, le « plus célèbre détective d’Amérique », en lutte contre son ennemi juré, le Jardinier. Celui-ci a orchestré sa vengeance  autour d’Adèle, une plante carnivore qu’il entend bien nourrir avec le corps de Nick Carter. 

Derrière le film se dessine en filigrane un propos satirique : animé par un sens de supériorité aussi indémontable qu’injustifié, Nick Carter vient, dans la continuité du cow-boy de fantaisie Limonade Joe, incarner la bêtise américaine tandis que son adjoint, l’inspecteur Ledvina, s’avère une caricature de tchèque, obsédé par la bière et la charcuterie. 

Métamorphoses en série, séquences en dessin animé et course-poursuites en accéléré marquent ce film constamment inventif qui s’amuse des gadgets en tous genres utilisés par les protagonistes : fusils à lunette et combinaisons volantes font partie de la panoplie de Nick Carter et se posent en symboles d’une science-fiction charmante dont le futur se conjuguerait désormais au passé.

En somme, Adèle n’a pas encore diné ne ressemble à aucun autre film, si ce n’est peut-être, pour le motif de la plante carnivore, à La Petite Boutique des Horreurs (1960) de Roger Corman. Le film d’Oldrich Lipsky réussit l’exploit de renouer avec la féérie des premiers temps du cinéma tout en faisant montre d’une distance ironique très moderne.

04.05.12.

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