On a trop souvent réduit Malick à un amoureux éperdu de la nature, cette dernière notion étant envisagée par opposition à la culture, sous l’influence de nos reliefs de cours de philo de terminale. Pourtant, la pensée de l’auteur des Moissons du Ciel était à la fois singulièrement intelligente (qui soulevait alors ces questions?) et particulièrement actuelle (le fatalisme était de rigueur dans les années 70) : Malick entendait la nature comme un mouvement cosmique souverain dans lequel se noient nos vaines actions humaines.
Son dernier film en date, The Tree of Life, auréolé d’une Palme d’Or à Cannes, se base ainsi, si l’on en croit les premiers mots de la voix-off, sur l’opposition entre l’ordre de la nature, marquée par le conflit entre les éléments, et l’ordre de la grâce, caractérisée par la communion avec ce qui nous entoure. Durant la majeure partie de The Tree of Life, Malick matérialise cette opposition à travers une famille américaine des années 50.
Le petit Jack est en effet partagé entre un père volontaire et exigeant (Brad Pitt) et une mère contemplative et passive (Jessica Chastain). Quand la photographie magnifie les différentes lueurs du jour, la caméra, fluide, est comme en apesanteur. Sans cesse en mouvement, elle parvient à faire ressortir la découverte émerveillée ou effrayée du monde par les enfants, le choc de leur innocence aux réalités du monde adulte. La beauté de ces après-midis d’été, passés à courir dans la ville et les jardins des voisins, invite à regretter que le réalisateur ne s’y soit pas limité. Malheureusement, Malick décide ne pas résoudre le conflit initial et voudrait que nous nous convertissions à la grâce sans même que le récit nous y conduise.
Mais cette affirmation péremptoire de la supériorité de la grâce n’est pas le plus grave puisque Malick a par ailleurs péché par ambition, une ambition que l’on n’avait pas du voir depuis 2001, l’Odyssée de l’Espace : l’arlésienne la plus célèbre du cinéma américain s’est en effet mis en tête de raconter en parallèle le big bang et les dinosaures. Ces séquences en images de synthèse, qui semblent être conçues pour démontrer la qualité d’un home cinema dernier cri, non seulement atterrent par leur prétention mais en plus n’apportent rien au drame émouvant de Jack et de sa famille.
A cela s’ajoutent des erreurs que l’on ne pardonne pas et qui trahissent l’affaiblissement récent du cinéma de Malick : l’imagerie, faite de lumières bleues espoir et de portes ouvrant sur des plages où marchent en paix les morts, sombre dans un symbolisme pauvre et simplet tandis que le film se perd dans une spiritualité indéfinie qui tient plus de l’intuition déiste et mystique que d’une religion affirmée avec la force de la foi. Le public de la salle des Champs Elysées a explosé de rire à la fin de la projection de The Tree of Life, signe qui ne trompe pas. Malick a échoué.
12.06.11
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