Dix ans après La Nuit des Morts-vivants, George Romero propose une variation sur la même matrice. Le film de 1968, tourné en pleine agitation politique et en plein conflit vietnamien, faisait des revenants le symbole des marginaux tenus à l’écart de la société américaine : les zombies valaient pour les noirs, les Indiens, les vétérans, les contestataires… Les scènes les plus fortes voyaient une fille tuer et manger ses parents, signe de la destruction de la cellule familiale, ou des gardes nationaux abattant un héros, pris par extension raciste pour un revenant.
En 1978, l’Amérique qu’observe Romero n’est plus la même et, par conséquent, le sens de Zombie différera. Les revenants ne sont plus des révoltés ; ils seront des consommateurs. Changement révélateur : après une introduction chaotique, quasi-documentaire, le décor unique où se retranchent des survivants n’est plus une maison mais un centre commercial.
Réduits à l’état de créatures inoffensives et somme toute pathétiques, mus uniquement par des réflexes d’acheteurs, les morts-vivants se rendent spontanément au « mall ». Dans des séquences drolatiques, ils errent dans les galeries commerçantes, ils montent et descendent les escalators par habitude. Ils se heurtent aux grilles des magasins. Sans volonté propre, ils parcourent les rayonnages sans but.
Les survivants ne sont pas moins obsédés par la consommation. Le centre commercial est pour eux un paradis puisqu’ils ont tout à leur portée, sans rien avoir à payer. Alors, stupidement, absurdement, ils accumulent et reproduisent sans y réfléchir les comportements de cette société qui n’existe plus. Ils finissent même par se sentir propriétaires de cet espace qu’ils ne font qu’occuper et, en se défendant contre des pillards, entraineront leur propre perte… Avec leur teint de peau très pâle (même le noir n’est pas très sombre de peau), les héros ont déjà des airs de zombies.
Les couleurs vives du film sont aux antipodes de l’esthétique amateur de La Nuit des Morts-vivants et Zombie s’avère gore à souhait mais il suscite moins l’horreur qu’un rire jaune. En effet, ce deuxième volet de la série des morts-vivants n’est pas un « shocker » mais une satire mordante (c’est le cas de le dire). Le propos féroce et alarmant de Romero néanmoins tout à fait terrifiant. La société de l’abondance et le consumérisme s’en prennent ici plein la gueule.
Avec Zombie, le cinéaste a atteint une maturité indéniable. Romero nous aura prévenus.
24.04.11
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