samedi 19 février 2011

**** Somewhere (2010) de Sofia Coppola



Nous imaginions sans peine ce à quoi pouvait ressembler le nouveau film de Sofia Coppola, Somewhere, Lion d’Or de la Mostra de Venise : un film, de taille plus modeste et plus intimiste  que Marie-Antoinette (2006), sur la matrice de Lost in Translation (2003), qui transformerait l’ennui en une mélancolie drolatique et une rencontre en une union salvatrice. Le tout avec de l’électro planante en fond, of course. Somewhere peut en effet être résumé ainsi : Johnny, est une vedette de cinéma que sa vie de célébrité ne satisfait pas vraiment et qui retrouve un sens à son existence au contact de sa fille. 

Sauf que la trame s’avère plus subtile et que son traitement est nuancé. En vérité, le personnage principal n’est pas au bord du gouffre : il s’amuse bien mais il voudrait changer de vie. Johnny a beau être acteur, il ressemble à chacun d’entre nous. C’est un type simple, un peu agaçant mais pas détestable, auquel s’identifier est possible. Quant à sa relation avec sa fille, elle a toujours été au beau fixe. Complices, ils partagent d’emblée beaucoup. La remise en cause par Johnny de son existence vaine est un processus qui s’infiltre lentement dans le film et que Sofia Coppola aborde avec délicatesse. 

La cinéaste refuse la dramatisation à tel point que Somewhere donne l’impression de n’avoir pas été vraiment écrit (l’on s’interroge sans cesse sur ce qui va suivre) et, si l’on arrive à la conclusion attendue, c’est sans que l’on s’en soit rendu compte. Avec Somewhere, nous avons le plaisir d’assister à une sorte de « performatif ». Car une partie du bonheur qu’il y à regarder ce film réside dans le spectacle d’actions qui s’accomplissent dans leur durée sur l’écran. On assiste donc à la cuisson d’œufs Benedict, à un moulage du visage, à des parties de wii, des sorties en décapotable, à des strip-teases…

Ce film paisible, sans action, se constitue au fil de ces saynètes quotidiennes ou anodines sans rapport les unes avec les autres, de ces temps morts touchants et plaisants. Contrairement à ce qui prévaut dans bien des films d’Hollywood sur Hollywood, la Mecque du cinéma échappe aux mythes du glamour et du stupre. Le Hollywood des studios ne fait plus rêver : le film s’autorise même un détour en Italie, occasion d’un hommage inattendu à Fellini[1] et gage d’un affranchissement salutaire des conventions hollywoodiennes[2]. Sofia Coppola ravive donc l’image-temps chère au Nouvel Hollywood, un cinéma  de la contemplation et du détail, un cinéma sans pesanteur qui prend la liberté de respirer. 

C’est d’ailleurs au cinéma des années 70 que renvoient les séquences d’ouverture et de clôture, qui inscrivent dans l’espace l’enfermement du héros (le début) ou son désir de fuite (la fin). Certes, le film aurait pu se terminer plus tôt et la métaphore est appuyée mais elle a le mérite de la clarté. Somewhere n’est certes pas exempt de défauts, parmi lesquels figurent sa naïveté et sa légèreté, mais il confirme le talent de Sofia Coppola qui a su nous offrir un film qui à la fois s’inscrive avec cohérence dans sa filmographie et lui permette d’affiner son propos. 

Dans le lumineux et sensible Somewhere, on ne trouvera pas de grandes déclarations sur le sens de l’existence mais une ode à la vie, aux petites choses qui lui donnent sa saveur, et une invitation à la présence parce que les autres preuves d’amour passent toujours inaperçues. 

06.02.11


[1] Et à son épisode des Histoires extraordinaires.
[2] On observait ce même bienfait de l’expatriation dans Ocean’s Twelve de Steven Soderbergh.

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