samedi 19 février 2011

*** Harry Brown (2009) de Daniel Barber



Harry Brown n’a pas peur. On pourra le juger rétrograde ou inepte mais reconnaissons lui au moins le cran de tenir un discours qui ne passe pas. Car Harry Brown, sans s’encombrer d’ambiguïté ou de nuance, ravive ni plus ni moins que le spectre du justicier des années 70. La comparaison avec le récent Gran Torino est instructive. D’un côté, Clint Eastwood, un papy qui ramollit, revient sur ses positions et rallie le camp de la bien-pensance ; de l’autre, le sexagénaire Michael Caine a les couilles de tourner dans un film qui choque.

Le sujet est simple. Dans une banlieue londonienne, une cité faite de barres glauques. Dans ces « cages-à-poules », une bande de racailles fait la loi. Et ce, jusqu’à ce qu’un veuf, marine retraité, décide de venger la mort de son meilleur ami. Harry Brown leur veut beaucoup de mal à ces petites frappes, dépeintes comme de vraies ordures pleines de morgue. Et la police dans tout cela ? Elle est impuissante, qu’elle soit incompétente (c’est le cas du commissaire) ou compréhensive (c’est le cas de la jeune inspectrice).

Les limites de cet éloge de la justice expéditive, construit sur des simplifications que l’on jugera selon son opinion réductrices ou éclairantes, sont toujours aussi évidentes qu’au temps des justiciers à la Bronson : guérir pour prévenir, s’attaquer aux effets pour remédier aux causes demeurent probablement des méthodes succinctes. De plus, le film s’embarrasse de la thèse controversée qui veut que derrière la petite délinquance se trouve toujours un crime organisé plus puissant capable de l’instrumentaliser. Mais, surtout, Harry Brown rappelle que les réalités préoccupantes de nos voisins d’outre-manche ne sont pas si éloignées des nôtres.

Le film frappe tout particulièrement parce qu’il inscrit le thème du « vigilante » dans une violence urbaine belle et bien contemporaine. Car ces images de sauvagerie collective filmées par des téléphones portables ou les séquences d’émeutes sur lesquelles s’achève le film rappellent de façon perturbante l’actualité. L’impact de ce film n’en est que plus grand et le cinéaste use de ce sentiment de réalité, s’aventurant aux limites du soutenable. On retiendra en particulier une séquence dans une serre de cannabis qui mêle drogue, armes à feu et pornographie : le malaise qu’elle suscite est tel que l’on ne sait si elle semble durer ou si le cinéaste joue sur nos nerfs. 

La situation trouve in extremiis une conclusion ironique (« You failed to maintain your weapon, son. »), dans la veine de l’humour très noir de Get Carter, dont la popularité croissante en Grande Bretagne explique probablement le choix de Michael Caine pour le rôle-titre dans ce premier film. L’acteur se montre touchant et le metteur en scène se révèle à la hauteur de son impeccable interprète. Tous deux parviennent à faire exister le personnage, l’introduisant par la description d’une journée de son existence paisible. 

Daniel Barber développe un style visuel fort, avec une caméra mobile, et a l’intelligence de montrer les engrenages de la violence en bande, comme dans la séquence d’ouverture où une séance de défonce mène à un assassinat gratuit ou dans une séquence muette, filmée depuis le lointain, où une rencontre dégénère en affrontement. Particulièrement sordide et violent, Harry Brown dérange.
08.02.11

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